Combien de femmes devront encore saigner en silence pour que la société ouvre enfin les yeux ? Les violences basées sur le genre, notamment les violences conjugales, sont un fléau enraciné dans nos sociétés. Chaque jour, des femmes subissent des abus, souvent dans l’indifférence générale. Ces actes laissent des blessures physiques et psychologiques durables, parfois fatales. Le silence persiste, alimenté par la honte et l’honneur familial. Il est temps de dénoncer ces injustices et de promouvoir un avenir où chaque femme peut vivre, s’exprimer et aimer sans crainte.
Les violences basées sur le genre, en particulier les violences conjugales, demeurent un fléau profondément enraciné dans de nombreuses sociétés. Elles brisent des vies, détruisent des foyers, et prospèrent dans le silence et l’indifférence.
Récemment, la chanteuse guinéenne Djély Kaba Bintou et une internaute malienne Fatoumata Samaké ont brisé ce silence en partageant leurs récits. Elles soulignent que la violence conjugale est une urgence sociale, appelant à une prise de conscience collective dans une société qui privilégie le mariage au détriment de la sécurité des femmes.
Témoignages Chocs : Des Cris qui Résonnent
Djély Kaba Bintou :
“Frapper une femme à sang une femme et de manière répétée, est considéré comme normale dans la société ”
Dans une publication poignante, la chanteuse guinéenne a révélé avoir été battue à plusieurs reprises. Elle dénonce une société qui minimise la violence au nom du mariage et de la tradition.

Quant à Fatoumata Samaké, une Malienne suivie par plus de 9 000 abonnés, elle a récemment publié un message évoquant les violences qu’elle a subies, y compris des tentatives de viol. Son objectif est d’éveiller les consciences, de sensibiliser sa communauté et, surtout, de tendre la main à celles qui n’osent pas parler.

De son côté, elle évoque des “violences allant jusqu’à des tentatives de viol”. Elle a choisi de parler publiquement pour sensibiliser et tendre la main à celles qui, comme elle, ont été réduites au silence.
Violences conjugales : une réalité partagée par des milliers de femmes en silence
Ces témoignages s’inscrivent dans un contexte plus large. Selon l’Enquête Démographique et de Santé de 2018 , réalisée par l’Institut National de la Statistique du Mali, des chiffres préoccupants montrent que 38 % des femmes au Mali subissent des violences physiques de la part de leurs partenaires. De plus, 79 % des femmes et 47 % des hommes estiment que la violence conjugale peut être justifiée. Ces données révèlent un problème systémique lié à des normes sociales qui minimisent la gravité des violences faites aux femmes. Beaucoup de femmes subissent ce fléau en raison du manque de soutien sociétal, qui privilégie l’honneur du mariage sur les conséquences de la violence. Les témoignages illustrent une réalité brutale où la violence est normalisée et justifiée. Fanta Cissé, militante pour les droits des femmes, souligne que la “société malienne, très patriarcale”, considère souvent une femme qui quitte son foyer comme une honte. Elle évoque également la dépendance financière et le traumatisme psychologique qui empêchent les femmes de partir. Fadima Kontao, militante féministe, ajoute que “la peur des représailles et la culpabilité” constituent des obstacles majeurs à la fuite.
Conséquences dévastatrices : des vies brisées
Les violences conjugales ne s’arrêtent pas aux coups. Elles laissent des séquelles psychologiques profondes :
• Dépression, anxiété, stress post-traumatique
• Isolement social, perte d’autonomie
• Reproduction de la violence dans les générations futures
Les enfants qui grandissent dans un climat de violence sont eux aussi affectés. La société dans son ensemble paie le prix du silence.
Quand la Famille et la Société Se Taisent… La pression à “pardonner et supporter”
Dans de nombreuses familles, la femme victime est priée de se taire, de “supporter pour les enfants” ou “pour l’honneur”. On lui demande de “Mougnou et sabali”, ce qui signifie « être patiente, supporter et pardonner », sans faire de scandale. Cette pression empêche des milliers de femmes de fuir une relation dangereuse.
Fanta Cissé dénonce avec force la norme sociale du « supporter pour l’honneur ». « En valorisant l’endurance de la femme au détriment de sa sécurité, la société banalise la violence et protège l’agresseur », a-t-elle indiqué.
Assitan Niambélé, commerçante et femme au foyer, déclare : « On nous pousse à pardonner. » Elle témoigne avec courage : « Dans mon entourage, la violence conjugale est souvent minimisée, voire encouragée. » Elle raconte avoir vu des proches subir sans soutien, poussées à « supporter » pour ne pas déshonorer la famille. Elle déplore également la stigmatisation : « Lorsqu’on dénonce une situation, on est jugée au lieu d’être soutenue. Cette peur du jugement renforce le silence. »
Le silence complice sur les réseaux sociaux. Le cas de Djéli Kaba Bintou en est une illustration. Les commentaires sur les réseaux sociaux suite aux dénonciations de Djéli Kaba Bintou illustrent ce silence complice. Beaucoup de personnes appellent à la réconciliation et à la discrétion, renforçant l’idée que les affaires privées doivent rester privées, même lorsque des vies sont en danger. Ce phénomène de minimisation des violences contribue à la normalisation de ces comportements inacceptables.
Le message implicite est clair : “Ce sont des affaires de couple. Ce n’est pas notre problème. ”
Mais quand la violence tue, elle n’est plus privée. Elle devient un problème public.
Fadima condamne également la pression sociale : « On nous enseigne à nous taire, à “sauver les apparences”. Cela crée un terreau favorable au silence et à l’inaction. »
Housseyni Diallo, secrétaire général de l’ACOJ Mali, nuance cependant la perception des normes sociales : « Certaines femmes choisissent de rester malgré la violence. Il est donc important de revoir les conseils donnés avant le mariage et d’insister sur le choix du bon partenaire. »
Éducation et Soutien : les clés de la transformation
Il est impératif d’agir maintenant pour mettre fin aux violences conjugales. L’éducation joue un rôle crucial dans ce combat, en changeant les mentalités dès le plus jeune âge et en promouvant des modèles de relations respectueuses. Des organisations telles que Kalamògnòn, WiLDAF-Mali, La Femme en Moi, etc et le Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée mènent des efforts remarquables pour sensibiliser et former la communauté. Les familles doivent devenir des refuges pour les victimes, en les écoutant, les protégeant et en les accompagnant, plutôt qu’en les blâmant. Il est essentiel de créer davantage de centres d’écoute et d’hébergement, ainsi que d’offrir un soutien psychologique et juridique adapté. Pour renforcer l’impact de ces initiatives, les lois existantes contre les violences basées sur le genre doivent être appliquées rigoureusement. Les agents de justice, de santé et de sécurité doivent être formés pour accueillir et écouter les victimes avec empathie. Comme le souligne Fanta, il est crucial d’impliquer toute la société, y compris les chefs religieux et coutumiers, pour sensibiliser la communauté. Fadima insiste sur le besoin de dispositifs d’accueil adaptés, tandis qu’Housseyni Diallo rappelle que les violences conjugales concernent également les hommes, qui doivent devenir des alliés dans ce combat. Ensemble, mobilisons-nous pour créer un environnement où chaque femme se sent libre, écoutée et protégée.
Briser le silence, sauver des vies
Le mantra « Supporte pour l’honneur » ne doit plus étouffer les voix des femmes victimes de violences conjugales. La sécurité et le bien-être des femmes doivent primer sur les normes patriarcales. Les témoignages de Djély Kaba Bintou et Fatoumata Samaké appellent à une mobilisation collective contre ces injustices. Nous devons créer un environnement où chaque femme se sent libre de s’exprimer et protégée. L’éducation, le soutien communautaire et l’application stricte des lois sont essentiels pour mettre fin à ce fléau. La lutte contre les violences conjugales est l’affaire de tous. Il est temps d’agir et de briser le silence. Bien que des publications de réconciliation circulent, il est crucial de rappeler qu’aucune preuve ne confirme un retour de Djéli Kaba Bintou auprès de son mari. Les déclarations de paix ne doivent pas occulter la gravité des violences subies et l’urgence de la justice.
Koumba Coulibaly