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TikTok : un nid de désinformation sur la santé sexuelle et reproductive

Sur TikTok, des vidéos vantant des astuces pour augmenter le désir sexuel, accroître le volume des seins et des fesses ou encore resserrer le vagin pullulent. Ces contenus, souvent réalisés par des personnes aux qualifications incertaines, mettent en avant des remèdes miracles et des pratiques médicales non vérifiées, diffusées sans aucun contrôle.

Des milliers de femmes suivent ces comptes ( 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10) et appliquent ces recommandations sans consulter un spécialiste. Pour beaucoup, ces astuces sont perçues comme un moyen de garder leur partenaire, sans considération pour les conséquences sur leur santé. Parmi les méthodes les plus populaires, on trouve des mélanges à base de beurre de karité, de miel et de poudre « coller serrer », connue en bambara sous le nom de « nↄrↄnanba », censés augmenter le désir sexuel ou resserrer le vagin après un relâchement vaginal. Certains produits proposés visent également à modifier l’apparence physique, comme des médicaments traditionnels pour le grossissement des fesses et des seins.

Cependant, selon Dr Seydou Diallo, gynécologue à l’Office national de la santé de la reproduction (ONASR), cette tendance expose les femmes à de graves risques, allant des infections aux complications rénales aiguës.

Pourquoi ces contenus deviennent-ils viraux ?

L’attrait des vidéos TikTok réside dans leur nature visuelle et persuasive. L’algorithme de la plateforme personnalise le flux en fonction des préférences des utilisateurs, attirant ainsi un grand nombre de femmes en quête de solutions pour satisfaire leur partenaire. Les vidéos sont souvent agrémentées d’effets spéciaux et de narrations accrocheuses, les rendant séduisantes mais aussi trompeuses

Docteur Seydou Diallo témoigne : « Nous avons reçu des patientes ayant utilisé des techniques de resserrement vaginal recommandées sur TikTok. Ces femmes souffrent souvent de gêne quotidienne, de sensations de pesanteur et d’un sentiment de honte. »

Il rappelle que le relâchement vaginal est un phénomène courant dû à l’accouchement ou au vieillissement, mais que des traitements médicaux reconnus existent, tels que la rééducation périnéale, la radiofréquence ou la vaginoplastie. Toutefois, certaines techniques comme le laser vaginal présentent des risques, et leur efficacité reste controversée, comme le soulignent les docteurs Blayne Welk et Erin Kelly dans un article du Canadian Medical Association Journal (CMAJ).

Des risques médicaux graves

Certaines femmes ont subi des conséquences dramatiques après avoir suivi ces conseils trouvés sur TikTok. Salimata Fofana, une jeune femme mariée de 29 ans, raconte :

« J’ai vu une vidéo recommandant un mélange de miel, de poudre de “collé serré” et de beurre de karité pour resserrer le vagin et augmenter le désir sexuel. Après un mois d’utilisation, j’ai développé des infections graves. »

Alerté, son médecin l’a mise en garde contre ces pratiques, insistant sur le fait qu’une infection mal traitée peut avoir des conséquences désastreuses sur la santé sexuelle des femmes.

Notre spécialiste Dr Diallo met en garde contre les dangers de ces pratiques , « l’utilisation de ces produits peut provoquer des infections vaginales à répétition, une fragilisation du col de l’utérus pouvant mener à des déchirures lors de l’accouchement, et même une insuffisance rénale aiguë due aux aphrodisiaques. ». Selon lui, certaines femmes deviennent dépendantes de ces produits, croyant à tort qu’ils améliorent leur vie intime.

Une mobilisation pour lutter contre la désinformation

Face à cette vague de désinformation, quelques influenceurs se battent pour sensibiliser les femmes aux dangers de ces pratiques. Mariam Dibassy, alias Didi, animatrice et commerçante, s’est engagée sur TikTok pour contrer la prolifération de ces conseils dangereux. « J’ai décidé de sensibiliser les femmes via mes vlogs. Certaines recommandations vont jusqu’à suggérer d’introduire du miel et d’autres substances non identifiées dans le vagin. C’est une menace pour la santé ! » , dit-elle. Son engagement lui a valu des insultes et du harcèlement, mais elle reste déterminée à alerter les utilisatrices.

Aly Coulibaly, éducateur et commerçant, partage cette inquiétude. « Je vois des femmes pratiquer des astuces qui entraînent des infections et de mauvaises odeurs vaginales. Ces techniques pour resserrer le vagin sont de l’arnaque ! ». Il insiste sur l’importance de rester informé et de consulter des spécialistes plutôt que de se fier aveuglément aux tendances virales.

Un appel à une meilleure régulation

La prolifération de ces contenus sur TikTok représente un véritable danger pour la santé reproductive des femmes. Il est essentiel que les professionnels de santé investissent les réseaux sociaux pour diffuser des informations fiables et contrer la désinformation.

Les autorités sanitaires et les ONG doivent également renforcer leurs efforts de sensibilisation pour protéger les utilisatrices. En attendant, il est crucial que chaque femme fasse preuve de prudence et privilégie les conseils de sources médicales reconnues pour préserver sa santé.

 Koumba COULIBALY

Cet article a été réalisé à la suite d’un renforcement des capacités des femmes journalistes en vérification des faits et en protection des droits des femmes, dont Kalamògnòn a bénéficié, organisé par la Voix de Mopti et ses partenaires dans le cadre du projet « Elles font fact ».

Koumba COULIBALY

Koumba Coulibaly Coordonnatrice Générale de Kalamògnòn Journaliste / Blogueuse / Fact-checkeuse / Communicante Diplômée en journalisme et communication, Koumba possède un master en communication des organisations et des entreprises. Elle collabore avec divers organes de presse et enseigne la communication et le journalisme dans des écoles supérieures, partageant sa passion et son expertise avec ses étudiants. Passionnée par la communication digitale et le développement web, elle explore et applique des stratégies innovantes dans ses projets. En tant que consultante formatrice en fact-checking, elle s'engage à promouvoir des pratiques journalistiques rigoureuses. Blogueuse active, elle est membre de l'Association des blogueurs du Mali, où elle contribue à la communication et à la visibilité des initiatives numériques. Koumba participe également à la réalisation de nombreuses campagnes et s'investit dans diverses initiatives liées au numérique. Très engagée dans la promotion et la protection des droits des femmes, elle est cofondatrice de Kalamògnòn, une plateforme dédiée à l'émancipation et à l'intégration des femmes dans le processus de développement.

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