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La lutte contre la désinformation au Mali : un enjeu crucial pour la représentation des femmes

Au Mali, la désinformation s’est intensifiée ces dernières années, touchant divers secteurs, notamment la santé et la politique. Dans ce contexte, la sous-représentation des femmes dans les médias et les initiatives de lutte contre la désinformation pose un défi majeur, soulignant l’importance de leur implication pour une lutte efficace contre les fausses informations.

La désinformation est devenue un fléau au Mali, exacerbée par l’essor des réseaux sociaux et des plateformes numériques. Ce phénomène ne touche pas seulement la sphère politique, mais a également des répercussions significatives sur la santé et le bien-être des femmes. Souvent alimentée par des stéréotypes de genre, la désinformation contribue à la marginalisation des femmes dans des domaines cruciaux tels que la santé reproductive et la participation politique.

Kangaye Sangaré, journaliste et fact-checkeuse à Benbere, a débuté sa carrière journalistique en 2018. « J’ai rapidement réalisé que les journalistes au Mali ne bénéficiaient pas d’une totale liberté d’expression. En abordant des sujets tabous, j’ai découvert le blogging, ce qui m’a permis de traiter des thèmes sensibles. C’est ainsi que j’ai découvert le fact-checking, une pratique encore dominée par les hommes jusqu’en 2021. Grâce au soutien de mes collègues, j’ai pu rédiger mes premiers articles de vérification des faits, contribuant ainsi à la lutte contre la désinformation » nous partage-t-elle. Elle souligne que la formation des femmes au fact-checking est essentielle pour sensibiliser les audiences et atteindre des communautés vulnérables aux fausses informations.

Sous-représentation des femmes dans les médias

Malgré des avancées dans la lutte pour l’égalité des sexes, les femmes restent largement sous-représentées dans les médias maliens. Selon des études récentes, moins de 30 % des journalistes sont des femmes, et encore moins occupent des postes de direction. Cette disparité limite non seulement la diversité des voix dans le débat public, mais entrave également l’efficacité des efforts de lutte contre la désinformation.

Assetou Diarra, journaliste et fact-checkeuse, souligne l’importance de cette participation : « Les femmes peuvent jouer un rôle crucial dans l’éducation aux médias et à l’information. Elles sont souvent plus réceptives lorsqu’une femme anime une session. Cela permet de toucher des communautés spécifiques et de développer un esprit critique. »

Malgré les progrès réalisés, de nombreux obstacles persistent pour les femmes souhaitant s’engager dans le domaine du fact-checking. Ces défis, souvent enracinés dans des normes sociales, peuvent dissuader les femmes de poursuivre une carrière dans ce secteur exigeant. Kangaye Sangaré affirme que « les normes sociales jouent un rôle clé. Notre société tolère difficilement que les femmes occupent une place visible. Certaines journalistes sont contraintes d’abandonner leur métier après leur mariage parce que leur conjoint désapprouve cette profession. Cela crée un environnement où les femmes hésitent à s’engager dans des domaines comme le fact-checking, perçu comme un terrain dominé par les hommes. »

Impact de la désinformation sur les femmes

La désinformation a des conséquences particulièrement néfastes pour les femmes, notamment en ce qui concerne leur santé. Des fausses informations circulent sur des sujets tels que la contraception et les infections sexuellement transmissibles, conduisant certaines à prendre des décisions préjudiciables pour leur santé. Par exemple, des mythes autour de l’utilisation de produits comme le Coca-Cola comme moyen contraceptif ont été largement diffusés, entraînant des grossesses non désirées.

Mariam Sanogo, journaliste et novice en fact-checking, met en lumière les défis rencontrés par les fact-checkeuses débutantes, « Je suis motivée par mon esprit critique et ma curiosité pour la vérité. Cependant, l’accès à l’information reste un défi pour nous, les journalistes fact checkeurs débutants. Il est essentiel d’avoir des formations continues pour développer nos compétences, surtout dans un contexte où la désinformation est omniprésente. »

Initiatives pour encourager la participation féminine

Pour lutter contre cette situation, plusieurs organisations au Mali travaillent activement à promouvoir la participation des femmes dans les médias. Des programmes de formation et de mentorat sont mis en place pour aider les femmes à acquérir les compétences nécessaires pour naviguer dans le paysage médiatique complexe. Ces initiatives visent également à renforcer la confiance des femmes dans leur capacité à s’affirmer dans un environnement souvent perçu comme dominé par les hommes. Assetou Diarra évoque le concours de Code for Africa, une initiative prometteuse pour encourager les femmes dans le fact-checking, bien que la fermeture des financements de l’USAID ait mis un terme à ce projet. Elle souligne qu’il « est essentiel de soutenir les femmes dans ce domaine, car elles jouent un rôle crucial en transmettant des informations fiables à leurs familles et à la société. »

Le projet « Elles font fact », une initiative de La Voix en Mopti en partenariat avec la Femme en Moi et Sao Check du Tchad, financé par l’Organisation internationale de la Francophonie, vise à renforcer les capacités des femmes journalistes et des femmes membres de la société civile au Mali et au Tchad pour lutter contre les fausses informations. « Ce projet part du constat du faible engagement des femmes dans la lutte contre les fausses informations. Pour encourager leur implication, il est crucial de créer des conditions leur permettant d’occuper des rôles clés dans les organisations de lutte contre la désinformation » déclare M. Yacouba Dramé, directeur de La Voix de Mopti.

De plus, des campagnes de sensibilisation mettent en avant des modèles féminins dans le journalisme, encourageant ainsi les jeunes filles à envisager une carrière dans ce domaine. Ces efforts sont essentiels pour créer un écosystème médiatique plus inclusif, où les voix féminines peuvent contribuer à la diversité des opinions et à la lutte contre la désinformation.

Il est essentiel de renforcer la présence des femmes dans les médias et les initiatives de lutte contre la désinformation au Mali. Non seulement cela permettra d’enrichir le débat public, mais cela contribuera également à une lutte plus efficace contre la désinformation, qui touche toutes les couches de la société. Un engagement collectif est nécessaire pour garantir que les voix des femmes soient entendues et que leur expertise soit reconnue dans la lutte contre ce fléau.

Koumba COULIBALY

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